Histoire du Yoga, ses origines
Fondé sur le principe de transmission de maître à élève, l'enseignement du yoga est le résultat d'une connaissance expérimentale de l'enseignant, précisée et complétée par chaque génération ou nouvelle école. Lorsque les Aryens envahissent le Penjab au XVIIème siècle avant notre ère, ils amènent avec eux la religion védique et imposent leur langue, le sanskrit. Ils s'imprègnent également de traditions autochtones du Nord de l'Inde, notamment des pratiques yogiques. Vers le VIIème siècle avant J.C., la révélation védique s'enrichit d'un troisième et dernier groupe scripturaire avec les Upanishad, dans lequel est mis en avant le thème de l'identité de l'âme individuelle (âtman) et de l'âme universelle (brahman), fusion de l'homme avec une Réalité suprême à laquelle aspirent les Hindous, le yoga n'étant que l'une des voies pour y parvenir.
Il faut attendre Patañjali et ses 194 yoga-sutra pour trouver pour la première fois une compilation des théories sur la pratique intérieure du yoga. On situe la rédaction de ce texte entre le Vème siècle et le IIème siècle avant notre ère. C'est à la même époque qu'est rédigée la Bhagavad-Gîtâ, texte sacré et mobilisateur pour les Hindous, et également texte de référence pour le yoga, en particulier le passage consacré au dialogue entre Krishna et le guerrier Arjuna. Il s'agit de conseils moraux donnés par la divinité aux hommes, au centre desquels se trouve le principe que toute action doit être précédée de la connaissance.
La pratique du yoga connaîtra un certain déclin sous la colonisation anglaise au XVIIIème siècle, avant de renaître avec Sri Krishnamacharia qui fonde une école de yoga en 1924, et modélise le Hatha yoga tel qu'on le connaît en Occident.
La philosophie du Yoga
Discipline visant à la maîtrise absolue du corps et de l'esprit par l'intermédiaire d'exercices d'ascèse et de méditation, le yoga est l'une des voies de la philosophie hindoue pour parvenir à la paix intérieure et à la connaissance suprême dans le but de libérer son âme de sa condition charnelle. La voie du yoga, telle que la systématise Patañjali dans ses yoga-sutra en synthétisant toutes les théories antérieures, définit huit degrés, ou "chapitres" (anga), divisés en deux phases distinctes. La première phase est celle du Hatha yoga ou "yoga de l'effort", qui met l'accent sur la maîtrise totale du corps et des énergies par une pratique rigoureuse d'exercices physiques, et regroupe les cinq premiers degrés :
Yama ("contrôle de soi" ou "refrènement") impliquant, entre autres, l'observance de cinq préceptes moraux :
- Ahimsâ : la "non-violence", qui, outre le fait de ne de pas tuer ou infliger toute douleur ou forme d'asservissement aux êtres vivants, cherche à supprimer tout désir de nuire à son prochain.
- Satya : la "vérité ou parole juste", c'est-à-dire le fait de s'abstenir de tout mensonge, dissimulation, tromperie ou calomnie.
- Asteya : l' "honnêteté", le fait de ne pas voler, et supprimer toute envie de s'approprier les biens d'autrui.
- Brahmacarya : la "continence" ou rétention volontaire qui ne doit pas aboutir à un refoulement sexuel, mais à une sublimation mystique.
- Aparigraha : la privation de biens dans le sens de détachement de la possession qui entraîne violence, envie et dépendance de l'être vivant, le poussant parfois jusqu'à des extrémités telle que la guerre envers son prochain. Il est ainsi conseillé au yogin d'éviter de recevoir des dons qui l'entraîneraient à être redevable, et donc dépendant.
Ni-yama "discipline", "observance" ou "austérité". Second anga consistant à contenir nos penchants naturels dans le but de parvenir au détachement. Ces « disciplines » sont également au nombre de cinq :
- Shauca ou "purification", tant intérieure qu'extérieure : hygiène corporelle, régime ascétique. Lutter contre les impuretés du corps, mais aussi de l'esprit comme la colère, la sensualité, l'agitation ou encore l'envie.
- Samtosa : la sérénité, ne pas se laisser entraîner par ses pulsions telles que la colère, l'exaltation ou le désespoir.
- Tapas : ascèse ou austérité, sans toutefois nuire au calme du mental par excès de rigueur, mais plutôt une tolérance envers les contraires et une impassibilité, qui consiste en un travail sur soi pour en faire ressortir des facultés inhabituelles et cachées.
- Svâdhyâya : étude des textes sacrés, les védas, et récitation de mantra, formules hermétiques, et en tout premier lieu la syllabe AUM (ou ǑM).
- Ishvara Pranidâna : abandon complet à Ishvara, Seigneur suprême et transcendant, ayant pour but l'abolition de l'ego. Cette règle est particulièrement importante pour ceux qui suivent la voie du Bhakti-yoga ou "yoga de la dévotion".
Asana : les "postures" nous permettant de découvrir l'architecture énergétique de notre corps, par une identification à la forme (cobra, poisson, chandelle, guerrier
) ou aux centres d'énergie (chakra), préalable essentiel à la méditation. Bien entendu la forme extérieure de la posture n'a pas de réelle importance, seules les axes fondamentaux de celle-ci en ont, et plus particulièrement l'intention qui met en mouvement. Il existerait plus de 32000 postures dans le yoga, mais seulement une douzaine sont dites fondamentales, et une importante, celle du lotus.
Prânayama "discipline ou contrôle du souffle". Notion clé du yoga qui donne la possibilité d'accéder à une énergie se situant sur un autre plan hors du temps et de l'espace. Dernière "étape" où la volonté du yogin intervient, celles qui suivent n'étant que "résultantes" du travail des postures et du contrôle de la respiration. Prâna, qui signifie "souffle vital" ne doit pas être confondu avec la respiration, simple manifestation physique de ce souffle de vie.
Pratyâhâra, ou "rétraction", entraine le pratiquant vers une sorte d'insensibilité par rapport aux stimulations extérieures, à se couper entièrement du monde extérieur. Résultat des quatre étapes précédentes liées à la volonté et à l'effort, le pratyâhâra permet au yogin de plonger à l'intérieur de lui-même, bien que les frontières entre monde extérieur et monde intérieur fusionnent alors pour ne former qu'un tout. Il s'agit d'une expérience qu'on ne peut décrire et qu'il faut éprouver par soi-même.
Ces cinq niveaux ne sont qu'une base pour passer ensuite au raja-yoga (« yoga royal »), la plus haute forme de yoga, caractérisée par des perceptions supra-sensorielles et par l'intuition suprême de l'unité du tout. Cette phase finale regroupe les trois dernières étapes ou anga:
Dhâranâ("concentration"), arrêt du souffle et fixation de sur un point précis, réel ou fictif, afin d'éliminer toute pensée, et préparer à l'étape suivante de la méditation.
Dhyâna ("méditation"), dans laquelle l'esprit s'élève vers des sphères qui transcendent la pensée même. Ce flux interrompu de conscience sur un objet particulier doit entrainer le pratiquant vers le dernier anga.
Samâdhi ("immersion" ou "illumination"), consistant en une fixation totale de la pensée sur l'objet. Lors de cette dernière étape, appelée "extase" en Occident, la conscience (ou purusha) est séparée de la matière (prakriti) ; on devient alors un jîvan-mukti, un "délivré-vivant", qui n'obéit plus aux règles du temps, mais existe en ce monde dans un éternel présent.
De même que l'hindouisme se partage en une multitude de courants et sectes, il existe de nombreuses variétés de yoga qui, s'ils ont des liens entre eux, se différencient dans leur technique, mais se rejoignent dans leur élan pour atteindre l'unité avec la Réalité suprême. On trouve ainsi le Karma-yoga (l'action sans désir de rétribution), le Mantra-yoga (récitation de formules tirées des Védas), le Bhakti-yoga (yoga de l'amour mystique, de la dévotion envers la divinité), le Jñana-yoga (yoga de la connaissance), ou encore le yoga de la Kundalini ("serpent femelle", recourant à l'énergie sexuelle pour purifier son être et fusionner avec l'âme du monde). Les sept centres d'énergie vitale, ou chakras, sont situés le long de la colonne vertébrale, ils sont représentés sous la forme de fleurs de lotus, le premier correspondant à l'organe sexuel, et le dernier au cerveau. C'est le long de ces centres que circulent l'énergie dite "universelle" que le yoga cherche à réveiller. Le flux d'énergie vitale qui est latent dans le chakra le plus bas (kundalini) s'active et monte le long de la colonne vers le chakra le plus haut au sommet de la tête.
La voie du yoga est donc la quête d'une harmonie, d'une unité du corps et de l'esprit qui s'inscrit dans l'instant présent et est potentiellement accessible à tout être humain. Voie vers une plus grande prise de conscience de notre entité intérieure, le Soi, le yoga n'est pas une philosophie exclusive, toutes les convictions, même religieuses et humanistes, y ont leur place. Mais le yoga n'est pas une religion, l'essentiel étant la cessation des perturbations du mental, induisant le respect d'autrui, la paix avec soi-même et la non-violence.
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